"Que faire face à Alzheimer ?"... Une bien vaste question
- aveccarolelucas
- 3 nov. 2022
- 7 min de lecture

Depuis quelques mois, je suis bénévole à l’association France Alzheimer, dans le Tarn.
Comme je le dis, et le pense, le hasard n’existe pas ! Je recherchai du travail et ai trouvé une annonce d’une personne qui cherchait de la « main d’œuvre » pour taper du texte sur ordinateur, bénévolement. J’ai répondu…
C’est ainsi que j’ai eu mon premier contact avec l’association FA 81.
Pas de hasard, puisque papa avait la maladie et était décédé quelque mois avant ce contact…
Mon investissement est cantonné (parce que je l’ai choisi ainsi) aux écrits pour le moment. Je ne vais pas encore à la rencontre de malades et de leurs aidants, bien que j’ai participé à une journée des associations où j’ai rencontré quelques aidants… ou familles…
Je fais partie d’un comité de lecture sur un ouvrage, et de celui du bulletin dédié aux adhérents. C’est dans ce cadre que j’ai découvert « QUE FAIRE FACE A ALZHEIMER, Gagner des années de vie meilleures » du Dr Véronique Lefebvre des Noëttes. (pour le confort de lecture {et d’écriture ;-)} je la désignerai par cet acronyme : DVLN !). Je me suis engagée à le lire pour une date déterminée et à en faire un résumé pour le présenter aux adhérents dans le prochain bulletin.
Et…j‘ai pris « une claque » ! J’ai dévoré cet ouvrage, préfacé par le directeur de thèse de DVLN, le Professeur Eric FIAT (Université Pari-Est / AP-HP). Ce livre est dédicacé « A ceux qui accompagnent les plus vulnérables d’entre nous ». Le professeur Fiat appelle DVLN « la petite fée » et articule sa préface avec le conte de « La belle au bois-dormant ». Tout est dit dans ces 2 mots (petite fée) : cette femme profondément humaine et bienveillante, tant envers les malades avec lesquels elle travaille depuis plus de 30 ans (en région parisienne) que les accompagnants, œuvre au plus près d’eux.
Le Dr Véronique Lefebvre des Noëttes travaille dans le plus grand hôpital de gériatrie de France, en banlieue parisienne (plus de 1 000 personnes très âgées, polypathologiques dont 80% sont atteintes de troubles cognitifs modérés ou sévères. Elle est psychiatre spécialiste du sujet âgé. C’est elle qui a ouvert la première consultation mémoire, il y a 30 ans, avec des « ateliers de stimulation cognitive ». Travaillant en équipe pluridisciplinaire, elle a ouvert une unité cognitivo-comportementale spécialisée dans les thérapies non médicamenteuses. Un DU (diplôme universitaire) a vu le jour, sur son initiative, il y a 20 ans, DU sur la maladie d’Alzheimer et les démences apparentées, ouvert aux soignants et directeurs d’EHPAD.
« La petite fée » ne fait pas de miracle… mais elle accompagne ! les malades, bien sûr, mais aussi les aidants ! et j’ai envie d’ajouter, elle prend soin d’eux !
Oh que j’aurais aimé que maman rencontre cette « petite fée », si bienveillante, à l’écoute du dit, et du non-dit.. de ces petits signes qui permettent d’échanger avec les malades, si souvent pris pour des « vivants-morts », comme le dit si bien le Pr Fiat.
« Voilà pourquoi notre auteure nous invite à « réveiller les sens », à « écouter la petite musique des autres », à regarder autrement les malades qui peuplent les EHPAD, à ne pas les regarder comme des déjà-morts et à ne pas regarder leurs « lieux de vie » comme de simples « mouroirs ». »
Déjà cette préface écrite avec Amour, (c’est comme cela que je l’ai ressenti) me ramène à mon histoire… Je revois papa, ce jour de fin janvier 2014, hospitalisé pour faire les examens qui permettront de dire que probablement, il a la maladie d’Alzheimer.
Lui assis sur son lit répétant au médecin qui le questionne (un test d’évaluation) « je ne suis pas fou »… ou encore « je ne suis pas allé à l’école, moi ! » (ce qui pour lui signifiait, je ne suis pas un intellectuel ; papa était maçon) « demandez à ma femme » (sous-entendu, elle sait, elle !)…
Papa, assis sur son lit se demandant ce qu’on raconte, dans le couloir, derrière la porte, alors que nous (maman et moi) échangeons avec le médecin : il a très bien compris qu’on parlait de lui ! Quel…, je ne trouve pas le mot… irrespect ? cela me semble si loin de la réalité… Pourquoi ne pas parler dans la chambre, avec papa, le premier concerné ??? Je lui dirai une fois le médecin parti ce que nous avons échangé, et les examens qui l’attendent.
Toi, papa, sur ce fauteuil roulant qui t’amène vers l’IRM… tu ne comprends pas : pourquoi ce fauteuil ? tu sais marcher !… et pourquoi cette blouse d’hôpital ?... Toi, qu’on plante au milieu du couloir, sans rien te dire… Toi avec ces yeux hagards, perdus… c’est ce jour-là que j’ai vraiment vu la maladie ! que j’ai vu ta souffrance ! que j’ai senti la mienne…. Toi Papa seul, avec la maladie. Et moi, et nous, avec la douleur de te perdre, petit à petit. Parce que tant que les mots n’étaient pas prononcés, nous pouvions rester encore un peu dans le déni… mais face à ce regard, ce n’était plus possible !!! Encore aujourd’hui, en écrivant ces lignes, je te revois… et je pleure….
Oh « petite fée », que tu leur (mes parents) aurais fait du bien !...
Bref… Vous le comprenez peut-être, j’ai dévoré l’œuvre de DVLN.
En dehors de la 1ère partie (il y en a 4) qui est très scientifique et peut, être un peu difficile (description de la maladie, des symptômes, du fonctionnement du cerveau, de la mémoire, etc…), DVLN nous présente un texte clair, précis, argumenté (de nombreuses références bibliographiques, d’articles, de sites, d’études scientifiques…), qui se lit presque comme un roman !
Très souvent, sa réflexion rejoint des thèmes que je souhaite développer dans l’avenir, dans ce blog, comme : la mémoire, la bienveillance, la mort, l’éthique, « l’Ecoute empathique », l’accompagnement… Ce livre me nourrit et ouvre (et m’ouvre) des perspectives.
DVLN nous plonge tour à tour dans la science, la philosophie, dans la description narrative, dans la poésie, dans le sens des mots (comme celui de « démence » ou celui de « bienveillance » par exemple)… et étaie le tout avec de nombreuses références ou citations de malades ou accompagnants.
« J’ai des bulles dans le cerveau, alors champagne ! »
« Pourquoi tout le monde est personne, ici ? »
Au sujet du président Sarkozy, dont le nom ne revient pas : « C’est un petit agressif, pas de chez nous, il parle pas bien, c’est le vendeur de cravate… »
Elle parsème son récit de conseils :
pour retarder l’arrivée de la maladie ; des études montrent aujourd’hui ce que VDLN avait pressenti il y a 20 ans : il y a un lien entre la vascularisation du cerveau et la maladie d’Alzheimer ; autrement dit, il faut surveiller notre système cardio-vasculaire, surveiller dans le sens de prendre soin !
Dès 70 ans, prendre soin de tous les sens : ophtalmologiste (pour que le malade puisse voir son environnement), ORL (par ce que l’isolement peut vite survenir si l’on ne peut suivre une discussion…), dentiste, dermatologue…
Pour s’adresser au malade, elle a créé l’éthique de « l’écoute des petites perceptions » : un bijou que je vous invite à découvrir dans son ouvrage. Toutes ces « petites perceptions » qui vont permettre d’entrer en relation avec le malade…
Pour faire face à l’évolution de la maladie… Les diverses thérapies sont expliquées : orthophonie, ergothérapeute, en hôpital, ou kiné, en libéral… les thérapies qui font appel aux sens comme la musicothérapie, l‘art-thérapie… les jardins thérapeutiques…
Tous ces conseils sont répétés dans les 3 autres parties, comme si la docteure voulait marteler les idées essentielles issues de son expérience. J’irais jusqu’à parler de son Œuvre, puisqu’elle a su faire évoluer son unité de gériatrie, de la création de la 1ère consultation Mémoire jusqu’à la formation éthique des professionnels et la sensibilisation des « politiques ». Elle répète surtout les possibilités de prévention.
La docteure nous présente sa conception du parcours du malade, de l’annonce de la maladie jusqu’aux centres d’accueil, lorsqu’il n’est plus possible que le malade reste à domicile. Elle n‘oublie pas les accompagnants dans toutes ces descriptions et explications.
Et c’est précisément à ce moment que j’aurais aimé que maman rencontre la « petite fée ». Maman avait du caractère… son caractère… si je dis à d’aucuns qu’elle était polonaise, ils diront qu’ils ont tout compris… et si j’ajoute Capricorne… un peu d’humour dans ces moments, c’est ma façon de faire, de gérer ce qui peut être insoutenable parfois… Maman n’a jamais accepté d’aide. Nous avons tout essayé, avec ma sœur : nous avons juste pu « obtenir » que papa aille 2 jours par semaine en « atelier de jour » et qu’elle ait 2h d’aide-ménagère pour le ménage. Une aide à la toilette ? pas question… aller visiter des EHPAD, pour le jour où… pas question ! En fait, maman avait peur de voir papa « finir dans un de ces mouroirs », abruti par des cachets… Oh maman, si tu avais vu comme papa était bien dans l’unité spécialisée qui l’a accueilli, après ton départ si brutal… (Tu sais, on ne m’enlèvera pas de l’idée que c’est la fatigue, ton dévouement à ton tendre époux, devenu si énervant malgré lui, qui t’ont usée « jusque la moëlle » et fait partir d’une leucémie foudroyante…).
Ce qu’elle ne pouvait entendre de nous, je suis sûre que la petite fée aurait réussi à lui partager… et ce que maman ne pouvait nous dire (sa peur, sa fatigue –comme si nous ne la voyions pas…-), elle aurait pu la lui confier… J’en suis persuadée !
La dernière partie de l’ouvrage de DVLN est consacrée à l’avenir, avec la présentation des potentiels nouveaux traitements (encore aux stades des tests, mais pour certains très porteurs d’espoir), et de ce que devrait être la société, pour devenir plus inclusive et bienveillante, tant dans les unités spécialisées, que « le centre-ville » ou le simple voisinage.
Il est difficile de résumer un tel ouvrage tellement il est riche, je terminerai juste avec cette citation qui résume bien l’ensemble : « Faire du soin une éthique du « care », c’est trouver le bon geste, le regard qui rend digne (…). C’est être mû par la bienveillance, la sollicitude, c’est passer de la sidération à la considération. Cette éthique invite à revenir à ce qu’il y a de plus fondamental dans notre rapport à l’autre. Mais cela nécessite de quitter une position surplombante de celui qui sait, car n’oublions pas qu’un « homme allongé oblige un homme debout » et que nous devons faire en sorte que nos malades restent des cœurs palpitants, des âmes qui vivent malgré leurs déficits et altérations physiques ou cognitives ».
Alors, merci « petite fée » Véronique !
Merci pour cet ouvrage… pour votre Œuvre… pour votre dévouement…
Merci d’avoir accepté de relire ces lignes avant que je ne les partage.
Merci pour ce que vous faîtes et merci pour qui vous êtes, une « belle personne » qui de sa baguette aide et accompagne les personnes dans cette si terrible maladie.




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